Parole de grosse

Depuis l'emission de Cdans l'air, vendredi dernier, je fulmine toute seule...

Mon bien-aime President va s'occuper des gros ! Non pas ceux en petit sur-poids, non, les vrais gros, ceux qui derangent, parce que ca se voit ! et ca fait tache sur la photo... Ben ouais la France cette patrie de je-mange-et-je-ne-grossi-pas, le french paradoxe, la femme (c'est surtout elle qui doit maigrir!) qui est mince et elegante en toute occasion.
Sarko a maigri (c'est impressionant !), il a "fait maigrir" le gouvernement (Bachelot, Darcos, Bertrand...), donc au tour des Francais. Tous au poisson poche et aux brocolis nature sans matiere grasse !

Homeo a fait un excellent editorial sur le sujet, qui fait un parallele tres vrai sur la question de la responsabilite entre les obeses et les handicapes. Je rajouterai les malades du Sida, les bons, ceux qui ont attrape par transfusion ou contamination dans le couple, et les mauvais, les homos, les drogues et les adulterins...

La polemique d'Air France - voulant faire payer deux sieges aux obeses (meme l'appellation est moche)- lance le sujet : est-on gros par choix ?

Je vous le dit tout de suite non ! Et je sais de quoi je parle...

Du coup je vais repondre a C Barbier de l'express...
Par mon temoignage, celui de Nathinphoenix, 43 ans, et grosse depuis toujours. Par soi-disant derive alimentaire, sans aucune maladie la-dedans, donc la mauvaise grosse qui fait payer a la collectivite le prix de "son inconscience", "de son manque de volonte" et de son "manque de violence" faite a elle-meme. Bref celle par qui le scandale arrive...

Je suis nee grosse. Ca se dit pas hein, mais c'est ainsi. Toute mon enfance j'ai subi les railleries, les quolibets et les coups des autres enfants, parce que j'etais differente, grosse.
Alors lasse de me voir souffrir, d'entendre des "cette pauvre gamine!", de se faire traiter de mauvaise mere, ma grand-mere m'a mise au regime. A 8 ans... plus jamais de gateaux, plus de bonbons, des pommes, des pommes, des pommes. Les goldens, celles qui ont le moins de gout, celles un peu molles, que maintenant je ne peux plus voir une pomme en peinture et a l'idee, meme, d'un morceau de golden j'ai la nausee.
Et j'ai maigri, mais pour grossir a chaque fois que je mangeais normalement, equilibre. A cette epoque on a pas cherche la cause... Elle mange trop, c'est tout!

A l'adolescence, je n'en pouvais plus d'aller a des fetes et de ne rien manger, de ne meme pas savoir ce qu'est le gout de la pizza. Ma crise d'ado, ou on rejette le systeme, je l'ai passee assise dans le frigo en mangeant, en cachette, pour dire merde au monde. Alors j'ai grossi, beaucoup, beaucoup... Et j'ai maigri beaucoup, beaucoup... Et j'ai grossi beaucoup, beaucoup... et ainsi de suite, le fameux effet yoyo. J'avais 17 ans.

Et puis je suis tombee amoureuse pour la premiere fois. Et la je me suis prise une claque, celle dont on ne se remet jamais... Je vous laisse deviner.

Et j'ai maigri beaucoup, beaucoup. Et j'etais malheureuse, beaucoup, beaucoup... Et je fumais beaucoup, beaucoup, beaucoup...

Et puis je suis redevenue heureuse, en rencontrant Seb, alors j'ai arrete de fumer et j'ai remange. Normalement, mais de toute facon c'etait trop tard, mon corps ne reagissait plus.
J'ai grossi un peu, pas dramatiquement et j'arrivais a me stabiliser au prix de gros efforts, cette "violence envers soi-meme" pronee par Mr Barbier. Mais etre a un poids normal pour moi, soit ronde, ca ne va pas. C'est deja trop. Et les remarques de mon enfance sont revenues. Dans les boutiques, la belle-famille, la famille, les collegues. Et toujours lorsque je me rebellais, "mais c'est pour ton bien !", et a l'epoque j'encaissais, je ne disais pas toujours merde.

Sauf que la vie c'est pas lineaire, et la mienne particulierement. Devenir une pro dans le metier que j'avais choisi, accompagner les dernier instant de ma grand-mere, (qui sur son lit de mort m'a dit "t'as grossi, non ?"), changer de region, devenir mere, perdre mon grand-pere, le tout en l'espace de 3 ans. Alors j'ai lache les vannes, je ne me suis plus impose cette violence de tous les instants, et je me suis mise a grossir.
Non pas parce que je mange trop, ni mal. Je mange des fruits et des legumes, equilibre, mais avec un seuil de besoin calorique de 700 calories par jour, ca fait pas lourd. Le moindre morceau en trop et je grossis...

Un jour, je me suis reveillee, avec trois chiffres sur la balance. Et une reflexion de la pediatre de la PMI. "vos fils seront gros car vous etes grosse"... je l'aurais baffee ! Alors encore et toujours, je me suis remise au regime... Et je suis encore au regime... et je serai ma vie entiere au regime... et etre condamnee a devoir bouffer des sachets dégueulasses toute sa vie, et payer toute part de gateau d'une semaine de regime draconien a avoir faim, c'est dur.

Parce qu'il ne suffit pas de manger equilibre pour ne pas grossir. Parce que nous sommes inegaux devant la ration calorique, parce que la societe (surtout la Francaise) me juge, me donne des conseils, me rabroue, plutot que de se poser la question de pourquoi ?

Pourquoi est-on les champions du monde (devant les americains) de la consommation d'anxiolytiques (rembourses par la secu, donc la collectivite), pourquoi on fume plus qu'ailleurs, et surtout plus compulsivement ?

Mais c'est si facile de jeter l'opprobre sur ceux qu'on aime pas, qui font peur, parce qu'ils mettent en pleine lumiere les peurs les plus intimes. Celle de ne pas appartenir au groupe majoritaire.

J'ai lu sur un blog : j'aime pas les gros...
Aurait-on oser ecrire j'aime pas les arabes, les noirs, les roux, les blonds, ou les handicapes sans s'attirer les foudres des commentateurs? Non parce que la loi puni ce type de propos. Pas sur les gros puisqu'on l'est par choix, selon l'inconscient populaire.

Et bien, desolee, mais non on est pas obese par choix. C'est comme ca, c'est ma nature, c'est comme ca que je suis faite...
Et je ne suis pas malade, et mes fils ne sont pas gros, et mes amis ne grossissent pas a mon contact.
Mais les stereotypes ont la vie dure. Je vous engage a voir, si vous passez par Bamako, le musee de la femme, qui met en avant le travail d'une artiste plasticienne , montrant la femme mince, seche et acariatre et la femme grosse, douce et maternelle... comme quoi d'une culture a l'autre...

C'est mon corps, et c'est moi qui vit avec. J'emmerde personne.

Je revendique mon droit a vivre dans l'indifference du regard des autres ! Sauf qu' a l'ecole, c'est desormais mes fils qui souffrent de mon image. Les autres se moquent de leur maman, et ils n'ont pas encore l'age de savoir le gerer.
Dois-je maigrir pour leur epargner ca ? Dois-je les laisser souffrir de mon manque de volonte ?

Voila pour tous ceux qui n'aiment pas les gros, ou trouvent normal qu'on les stigmatisent ce qu'une grosse ressent tous les jours ! Et meme aux Etats-unis...

Mais je vous embrasse, tout de meme, a mon image, avec generosite... Nath

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